1) Un cas bien particulier
Dans l’affaire en question, le débiteur, société de transport, avait commandé des pièces mécaniques, boites de vitesse et embrayages pour poids lourds, à son fournisseur habituel, pour un montant de près de 50.000 €. Notre client avait livré les marchandises, même si les quantités commandées étaient très importantes par rapport aux transactions habituelles. La commande avait été passée par le responsable technique habituel. Le débiteur a contesté la facturation au motif que la commande n’était pas régulière. Un élément de complexité du dossier provenait du rachat du débiteur par un autre transporteur, lequel refusait de prendre à son compte une facturation objet d’une contestation.
2) Une escroquerie bien huilée
L’escroquerie montée par le responsable technique consistait à acheter des pièces pour le compte de l’entreprise, et à les réexpédier ensuite à son profit, à des clients à l’étranger. Le manège est passé inaperçu tant qu’il portait sur des petites quantités. Mais une facturation de 50.000 € est beaucoup plus visible, d’autant plus que le rachat de l’entreprise a impliqué un renforcement des procédures de paiement par la maison mère. Celle-ci a refusé le paiement, arguant qu’il n’y avait pas de bons de commande dûment approuvés.
3) Procédure et négociation
En l’absence de solution amiable, le CABINET D’ORMANE a diligenté une injonction de payer. Le Tribunal de Commerce a délivré la requête, à laquelle le débiteur a bien entendu fait opposition. Même s’il n’y avait pas de bons de commande formels, chaque facture était justifiée par un bon de livraison signé.
Notre argumentation reposait en particulier sur le fait que le salarié indélicat était l’interlocuteur habituel du fournisseur, qui ne pouvait imaginer qu’il y avait une escroquerie, même si la commande était inhabituellement importante. De plus, le fournisseur n’a pas à vérifier les autorisations d’engagement des salariés de son client ; ce point ne lui est pas opposable.
Finalement, l’avocat du débiteur a proposé une transaction, et la négociation s’est conclue sur un montant de 42.500 €, représentant une remise d’environ 15%, qui a été payé rapidement. Les parties se sont ensuite désistées de l’instance au Tribunal de Commerce, et le jugement rendu a acté la transaction.
4) En conclusion
Les points importants à retenir de cette affaire sont les suivants :
L’entreprise supporte les conséquences des agissements frauduleux de ses salariés, à charge pour elle de se retourner contre eux, y compris par voie pénale.
Le fournisseur n’a pas à vérifier les autorisations d’engagement des salariés de ses clients ; ce point ne peut lui être opposé. Il convient cependant d’être vigilant lors de commandes sortant de l’ordinaire ou passées par des salariés inhabituels.
Enfin, la procédure judiciaire n’exclut pas la négociation ; dans certains cas, une transaction permet d’aboutir à une solution satisfaisante, dans un délai bien plus rapide que celui nécessaire pour obtenir un jugement et le faire exécuter.