Pouvez-vous intervenir pour des dossiers anciens ?
Jusqu’à quand peut-on remonter pour vous transmettre des impayés ?
Ces questions sont légitimes et nous sont souvent posées par des clients qui n’ont pas encore l’habitude de nous transmettre régulièrement leurs dossiers d’impayés.
La réponse à ces questions est :« oui, vous pouvez remonter sur plusieurs années ». Voyons plus précisément pourquoi nous répondons par l’affirmative et détaillons la question de la prescription.
A) Du point de vue opérationnel.
Les statistiques de recouvrement nous le montrent tous les jours : plus un impayé est ancien et plus il est long et difficile à récupérer.
Pourquoi ? Le débiteur n’aura plus la facture et va en demander une copie ; le comptable ou l’acheteur auront changé et personne ne se souviendra de l’historique de la prestation et de la raison pour laquelle la facture n’a pas été payée.
A propos de la société elle-même, elle peut avoir déménagé, changé de nom et donc être plus difficile à retrouver, ou bien avoir été rachetée. Et même être en liquidation judiciaire, ce qui compromet le recouvrement.
Mais ce n’est pas parce qu’un impayé est ancien, donc plus difficile à récupérer qu’il faut l’abandonner ! Tous les dossiers méritent d’être tentés.
B) Du point de vue juridique, la question de la prescription.
Cette question de la prescription revient souvent dans les discussions. Au bout de combien d’années un dossier est-il prescrit ? Comment interrompre cette prescription ? Peut-on quand même réclamer la somme due même si la prescription est acquise ? Telles sont les questions généralement posées.
La durée de la prescription:
Au bout de combien de temps ma facture est-elle prescrite ? Prenons comme principe que la vente a été faite à un professionnel, l’Article L110-4 du Code de Commerce nous indique que, sauf exceptions, la prescription est de 5 ans. De nombreuses exceptions existent : citons notamment dans le domaine du transport où la prescription est de 1 an seulement.
Dans le cas d’une vente à un consommateur, la prescription est de 2 ans.
Mais gardons à l’esprit le principe général : la prescription pour une prestation ou une livraison de marchandises entre professionnels est de 5 ans.
Le point de départ de la prescription:
En matière commerciale, le point de départ de la prescription est selon la Cour de Cassation« le jour où l’obligation du débiteur principal a été mise à exécution », elle a également précisé que « si le créancier fixe la date d’exigibilité sur la facture c’est cette date qu’il faut retenir comme point de départ de la prescription. » (Cour de Cassation 14 juin 2023) Précisons que la date d’exigibilité est une des mentions obligatoires devant figurer sur les factures.
La prescription se compte en jours et non pas en heures. Elle est acquise lorsque le dernier jour du terme est atteint à minuit.
L’interruption de la prescription :
L’interruption signifie que le délai de prescription recommence à courir pour 5 ans. Prenons l’exemple d’une dette ancienne de 4 ans : lorsque survient l’événement interruptif, le délai de prescription recommence donc à courir pour 5 années.
Il y a deux principales causes d’interruption de la prescription :
La reconnaissance de sa dette par le débiteur interrompt la prescription. Exemples :-
– Votre débiteur vous demande un délai de paiement. Que vous l’acceptiez ou non, la prescription est interrompue et un nouveau délai de 5 ans redémarre.
– Votre débiteur règle un acompte même modeste : la prescription est interrompue par ce paiement.
C’est pourquoi, dans des dossiers de recouvrement pour lesquels la prescription est proche, nous pouvons accorder et même proposer des délais de paiement avec de faibles mensualités de manière à interrompre la prescription.
Par la suite, la discussion avec le débiteur se mène en position de force.
Une demande en justice. Une demande en justice interrompt la prescription, que cette demande soit « au fond » ou en « référé » et même devant un Tribunal incompétent.
A noter que dans le cas d’une injonction de payer, c’est la signification de l’ordonnance qui interrompt la prescription, et non pas le dépôt de l’ordonnance au greffe.
Et si le débiteur paye une fois la prescription acquise ?
La jurisprudence est très claire à ce sujet : si le débiteur paie sa dette après la date de la prescription, il ne pourra pas demander la restitution de son paiement car il conserve, malgré la prescription, son « obligation naturelle » de payer.
Qui peut soulever la prescription ?
C’est au débiteur de soulever la prescription, le Tribunal ne peut pas la soulever d’office (Code civil Art 2247). C’est le même principe en droit allemand.
A noter que la solution est différente en droit de la consommation où la loi dispose que le juge peut la soulever d’office.
Quelle loi s’applique ?
Abordons enfin le point de la compétence territoriale. Quelle règle de prescription s’applique en cas de litige transfrontalier, par exemple entre un vendeur allemand et un acheteur français ? C’est la loi qui régit l’obligation dont il est question qui s’applique. C’est une des raisons pour lesquelles nous conseillons à nos clients européens de mettre dans leurs conditions générales de vente que le « Tribunal de commerce de Paris est seul compétent ».
Conclusion :
Toutes ces raisons nous conduisent à donner deux conseils à nos clients :
1 Même si vos dossiers sont anciens, vous pouvez nous les donner en recouvrement
2 Il est préférable de nous les donner rapidement sans attendre trop longtemps.