Défaillances d’entreprises et URSSAF

  • Juridique
  • Pierre Gonzva

Les statistiques de défaillances d’entreprises sont reparties à la hausse depuis près de 2 ans.

On retrouve un niveau d’environ 16.000 défaillances par trimestre, équivalent au niveau record des années 2014 à 2016.

Sur ce total, près de 75% sont des liquidations, un quart des redressements judiciaires, et 2% seulement des procédures de sauvegarde.

Quel est le rôle des URSSAF dans ces mises en liquidation ?

Ce créancier super privilégié a-t-il intérêt à précipiter la défaillance des entreprises, ou bien à les accompagner pour limiter la casse ?

I) Sauvegarde, redressement, liquidation : quelles différences ?

Ces trois types de procédures collectives se font sous l’égide du Tribunal de Commerce. Les objectifs sont de protéger l’entreprise de ses créanciers, qui ne peuvent plus poursuivre individuellement le recouvrement de leur créance, puis de mettre en place un plan de continuation et de règlement du passif, ou bien d’organiser la liquidation, sous la supervision d’un mandataire judiciaire.

  1. La sauvegarde est mise en place pour une entreprise en difficulté, mais qui n’est pas en cessation de paiement.

    Le dirigeant de l’entreprise garde la main sur la gestion, et il est assisté du mandataire judiciaire pour élaborer un plan de règlement du passif, et l’aider dans sa gestion. C’est la procédure la plus rapide, qui permet, quand elle aboutit, le règlement des créances dans un délai raisonnable. Cette solution est utilisée par des grands groupes qui doivent restructurer leur dette financière : le cas du groupe informatique ATOS en est l’exemple.

  2. Le redressement judiciaire implique la prise en charge de la gestion par le mandataire judiciaire.

    Celui-ci signe tous les actes de gestion, y compris donc les paiements. Après le jugement de redressement judiciaire, une période d’observation de 6 mois, renouvelable, est ouverte pour permettre la mise en place d’un plan de redressement ou de cession. S’il y a plan de redressement, celui-ci prévoit en général le paiement du passif sur 7 à 10 ans, souvent avec des échéances progressives. S’il y a cession du fonds de commerce, les actifs sont rachetés par une autre entreprise, « à la barre du tribunal », pour un faible prix, et la société est ensuite liquidée.

  3. La liquidation judiciaire concerne les entreprises pour lesquelles aucune possibilité de redressement n’est identifiée.

    Elle prend la forme simplifiée s’il n’y a aucun actif et plus d’activité. Bien souvent, il y liquidation judiciaire sur conversion d’un redressement, lorsqu’il n’a pas été possible de mettre en place un plan de continuation, ou lorsque celui-ci ne peut pas être respecté par l’entreprise.

Si un client est en procédure collective, il est bien entendu essentiel de déclarer sa créance auprès du mandataire judiciaire, afin de sauvegarder ses droits. Un article précédent de notre blog avait abordé ce sujet.

II) Quelles conséquences pour les créanciers ?

75% des procédures collectives sont des liquidations judiciaires, pour lesquelles les créanciers chirographaires = non privilégiés, ne récupèrent rien.

En effet  les statistiques montrent qu’en cas de procédure collective, les créanciers ne touchent, en moyenne,  que 2% des sommes déclarées.

La loi fiscale permet en conséquence de passer sa créance en perte, dès la liquidation judiciaire de son client, et de récupérer la TVA si elle a déjà été versée au fisc. Parmi toutes les liquidations judiciaires suivies au CABINET D’ORMANE, nous avons une seule fois rencontré le cas d’un actif immobilier, dont la vente a permis de payer une partie de la créance, plusieurs années après.

Pour les redressements judiciaires, les plans de continuation prévoient un paiement des créanciers sur une longue période, ce qui est aléatoire. Notre expérience nous montre qu’il est fréquent que les plans ne soient pas respectés car l’entreprise rencontre de nouvelles difficultés après quelques années, d’où une conversion du redressement en liquidation, et la perte du solde de la créance.

Un conseil: Si le plan propose le choix entre un paiement à 100% sur 7 ans et un paiement comptant à hauteur de 30% ou 40%, il est moins risqué d’opter pour le paiement immédiat.

Les sauvegardes accélérées prévoient généralement un paiement rapide des créances d’exploitation, et un traitement différent des créanciers financiers. Pour les plans de sauvegarde classiques, il peut y avoir des délais de règlement sur plusieurs années

III) Quel est le rôle des URSSAF ?

Chargés de collecter les charges sociales sur les salaires, l’URSSAF a la place enviable du créancier super privilégié : avec le fisc, l’URSSAF passe en priorité.

Pour pouvoir exercer ce droit, il faut inscrire un privilège sur la créance, lorsqu’il y a des retards de paiement. Notons que l’inscription du privilège, URSSAF ou Trésor Public, est publiée au greffe du tribunal de commerce : cette information est le signe d’une difficulté financière de l’entreprise. Le suivi des privilèges URSSAF et Trésor Public est donc un indicateur à surveiller avec attention.

Depuis un an, passée la période Covid, les URSSAF sont beaucoup plus intransigeantes dans leur processus de recouvrement, et n’hésitent plus à faire assigner pour récupérer leurs créances, au risque d’envoyer la société débitrice en redressement ou en liquidation judiciaire.

L’URSSAF a intérêt à agir vite, tant qu’il reste de l’argent en caisse, donc au détriment des autres créanciers fournisseurs « ordinaires », qui peuvent se trouver en difficulté si un de leurs clients fait défaut.

Malgré tous les discours sur le conseil et l’accompagnement, la culture URSSAF reste celle du contrôle et de la sanction, et donc de la procédure judiciaire pour obtenir un titre exécutoire et faire saisir, lors de retards de paiements.

Mais cela peut entraîner des réactions en chaîne, sachant qu’une défaillance d’entreprise sur quatre est causée par le défaut de paiement de ses clients, souvent suite à une procédure collective.

L’intérêt particulier de l’URSSAF sur un dossier ne coïncide donc pas toujours avec l’intérêt collectif.