Nudge et recouvrement

Les secrets pour inciter les débiteurs à payer leurs dettes

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  • Pierre Gonzva

Quels sont nos secrets pour inciter les débiteurs à payer leurs dettes ? C’est souvent la première question que pose une entreprise au cabinet de recouvrement de créances à qui elle confie ses impayés. C’est une question légitime quand un créancier a fait plusieurs relances, puis une mise en demeure, sans résultat. Qu’apporte de plus le cabinet de recouvrement ? Tout d’abord l’information claire adressée au débiteur que tous les moyens nécessaires seront mis en oeuvre, jusqu’à la procédure judiciaire au besoin. Puis la connaissance des façons d’agir des débiteurs, d’où la mise en place de scénarios de recouvrement adaptés à chaque situation. Il s’agit en fait de proposer une solution au débiteur, par laquelle celui-ci acceptera l’idée que le règlement de sa dette lui sera bénéfique, par rapport à l’absence de paiement  qui lui serait plus préjudiciable. C’est l’idée du « nudge« , du coup de coude ou incitation douce, exposée par l’économiste Richard THALER, spécialiste de la finance comportementale, et lauréat du Prix Nobel d’Economie 2017.

 

1. Avec un cabinet de recouvrement, les choses deviennent sérieuses

Un créancier  fait une relance à son débiteur en retard de paiement, et celui-ci attend tranquillement la suivante ! Lorsque le dossier passe entre les mains du cabinet de recouvrement, le créancier signifie immédiatement à son débiteur que les choses deviennent plus sérieuses, et qu’il n’entend pas abandonner les sommes dues. Le simple fait que le cabinet de recouvrement prenne la main constitue donc une incitation réelle adressée au débiteur. C’est pour cela qu’une part non négligeable de dossiers d’impayés est soldée dès notre première mise en demeure.

 

2. Une solution est toujours possible

Contrairement à la croyance populaire, le cabinet de recouvrement ne fait pas de menace, mais recherche et propose une solution. L’éventualité d’une procédure judiciaire n’est d’ailleurs qu’une stricte application du droit. C’est même un fondement essentiel de l’activité économique sainement régulée : un créancier, dans son droit, doit pouvoir obtenir une décision de justice en sa faveur si son débiteur ne paye pas spontanément. Autrement, quelle incitation aurait-on à payer ses dettes, autre que le sens moral ? Cela étant, l’objectif n’est pas de se précipiter tête baissée au tribunal : la recherche d’une solution amiable est préférable, en terme de rapidité, de coût et de préservation de la relation commerciale.

Les solutions proposées sont adaptées à chaque affaire. Bien souvent, un échéancer de règlement débloque la situation. Lorsqu’il y a une contestation, la signature d’une transaction apporte à chaque partie le sentiment d’avoir trouvé la meilleure solution, donc de sortir du problème sans perdre la face, avec de surcroit la rapidité du règlement par rapport à la voie judiciaire. Les pouvoirs publics favorisent d’ailleurs les MARL : Modes Alternatifs de Règlement des Litiges, comme cela a été exposé dans cet article publié sur notre blog.

Quel est le résultat obtenu lorsqu’une bonne solution est proposée à un débiteur ? Voici ce qu’écrivait récemment un débiteur, suite au règlement par mensualités d’un impayé de 32.975 € :

« Suite à la réception de votre attestation, confirmant le solde de la dette, nous clôturons également le dossier. Nous tenons à vous remercier pour l’écoute et la compréhension dont vous avez fait preuve à notre égard tout au long de l’apurement de cette dette. Et, comme évoqué avec vous par téléphone, nous gardons vos coordonnées si, à l’avenir, notre société a des besoins liés à une procédure de recouvrement de factures. »

Quand un débiteur affirme son intention de confier ses impayés au cabinet de recouvrement qui l’a incité à payer, c’est la preuve qu’un bon « nudge » est vraiment efficace !

 

3. Quel « nudge » utiliser lors d’une procédure judiciaire ?

Procédure judiciaire et solution mise en place avec un « nudge » ne sont pas antinomiques. Une fois le titre exécutoire obtenu et signifié, il est préférable de favoriser un plan de règlement négocié, plutôt que de tenter des saisies. 3 raisons à cela : en premier, c’est souvent plus rapide; de plus, c’est moins cher pour le créancier, qui ne paye pas les honoraires d’encaissement de l’huissier, comme pour le débiteur, qui ne paye pas les coûts de saisie; enfin, lorsque le débiteur a le sentiment de payer de sa propre volonté, sans y être contraint par des saisies bancaires, la relation commerciale est préservée. Outre l’avantage financier, l’aspect psychologique, par lequel le débiteur estime qu’il n’a pas perdu la face, est un « nudge »efficace.

Dans un cas récent, un huissier nous avait renvoyé un dossier qu’il considérait comme insolvable, après plusieurs tentatives infructueuses de saisies sur compte bancaire. Par le dialogue avec le débiteur, nous avons pu obtenir le règlement de l’affaire, environ 1800 €, en quelques mensualités, en faisant valoir que cette solution était une meilleure alternative au risque d’une cessation de paiement et d’un redressement judiciaire. Voici la confirmation qu’un bon « nudge » donne du résultat, même dans une situation qui peut sembler perdue.