Le tissu entrepreneurial vieillit en France, et de nombreuses entreprises se vendent et seront à transmettre dans les prochaines années, du fait de l’âge du dirigeant.
Les statistiques sont très disparates et peu fiables : des dizaines de milliers d’entreprises sont cédées chaque année, pour la plupart des entreprises individuelles et des TPE de moins de 10 salariés.
Une cession d’entreprise, c’est bien souvent une période d’incertitudes et de changements, source de retards de paiement envers les fournisseurs. Bien comprendre les modalités de cession, c’est se donner les moyens de se faire payer.
1. La cession de son entreprise : un événement majeur pour le dirigeant.
Et pourtant, l’impréparation est très répandue : beaucoup d’entreprises ferment lorsque le dirigeant prend sa retraite, parce que la transmission n’a pas été préparée, ou n’a pas réussi par manque de repreneur.
Il y a trois voies principales de transmission : la cession à un repreneur extérieur, la reprise par des salariés, la transmission familiale.
Les enjeux économiques sont significatifs : une entreprise qui disparaît, alors qu’elle est encore viable, ce sont des emplois supprimés, des recettes fiscales perdues, une attractivité territoriale qui diminue. Pour un chef d’entreprise, son activité est bien souvent la réalisation professionnelle de sa vie, et un actif financier dont la réalisation lui procurera des ressources pour la retraite : l’implication affective est majeure et l’enjeu financier très important.
Plusieurs problématiques sont soulevées par la transmission : les questions de choix du repreneur, les questions fiscales, et l’impact sur l’environnement de la société : fournisseurs et clients en particulier.
Le choix du repreneur est une question centrale pour la pérennité de l’entreprise, puisqu’il faut qu’il y ait un bon accord, une entente entre le cédant et le repreneur, surtout s’il est prévu que le cédant accompagne le repreneur pendant une certaine période.
La fiscalité est un problème : la vente d’un fonds de commerce ou de titres entraine une plus-value imposable. Afin de favoriser les cessions et transmissions, le fisc a prévu des abattements sur la valeur transmise, de façon à diminuer le coût fiscal, en particulier en cas de départ à la retraite. Il en est de même pour les transmissions par voie de donation à des enfants.
Pour les tiers, et surtout les fournisseurs qui détiennent des créances sur la société transmise, la réussite de l’opération est cruciale. Si la société disparaît, c’est un client qui n’existe plus, et bien souvent aussi des créances impayées.
2. Les différentes modalités de cession.
Les modalités de transmission sont différentes selon que l’activité est exercée à titre individuel : artisan, commerçant, profession libérale; ou bien sous une forme de société.
A titre individuel, la transmission se fait par la cession du fonds de commerce ou de l’activité, et s’évalue généralement en proportion du chiffre d’affaires annuel, de l’ordre de quelques mois à un an d’activité, selon les métiers. Pour les professions médicales, du fait de la démographie des médecins, la patientèle transmise n’a souvent plus de valeur négociable, car il est difficile de trouver des jeunes médecins, et de nombreuses régions sont sous médicalisées.
Si l’activité est exercée sous forme de société, il peut y avoir cession des parts (SARL) ou des actions (SA), ou bien cession du fonds de commerce détenu par la société; les conséquences sont différentes. Pour les sociétés plus importantes, la reprise se fait souvent par l’intermédiaire d’une société holding, qui rachète la société exploitante en s’endettant, et bénéficie de l’intégration fiscale avec elle si elle détient plus de 95% du capital.
3. Comment protéger ses droits et se faire payer ?
Lorsque la transmission se fait par cession du fonds de commerce, que celui-ci soit la propriété directe de l’exploitant ou qu’il soit détenu par une société, le créancier doit faire opposition à la vente.
Le vendeur a l’obligation de publier au BODACC la cession du fonds de commerce dans un délai de 15 jours à compter de la signature de l’acte. Le créancier dispose ensuite d’un délai de 10 jours pour faire opposition, par huissier. Cette formalité, d’un coût de quelques centaines d’euros, lui donne le moyen d’obtenir le paiement de sa créance sur le prix de vente; celui-ci est en effet bloqué entre les mains du vendeur, ou du séquestre, lequel paye les créanciers ayant régulièrement fait opposition, et dont les créances sont certaines. Ce délai d’opposition est très court : pour sauvegarder ses droits, il convient donc de connaître son client, et de surveiller sa situation juridique, en consultant les bases de données d’informations légales. A noter que les salariés disposent d’un super privilège, et que le fisc et les organismes sociaux ont un privilège sur les autres créanciers.
Lorsque ces dettes sont importantes, les privilégiés absorbent une bonne partie, voire la totalité du prix de vente, et les autres créanciers n’obtiennent qu’une fraction de leur créance, voire rien du tout.
Pour les créanciers n’ayant pas fait opposition, ou irrégulièrement (opposition tardive), ils doivent obtenir directement le paiement de leur créance, selon les modalités habituelles. L’expérience montre que ce recouvrement est souvent difficile, en particulier lorsque l’ancien exploitant n’a plus d’activité.
Dans le cas où la transmission se fait par cession des parts ou actions de la société exploitante, la personne morale ne change pas; elle reste propriétaire du fonds de commerce. Il y a simplement un changement des propriétaires de l’entreprise. Il n’y a donc pas de conséquence juridique ni de formalités pour le créancier. Celui-ci s’attachera à créer de bonnes relations avec les nouveaux dirigeants, en tenant compte du fait que la période de cession entraine bien souvent des retards de paiement, dus à des raisons administratives ou organisationnelles.
Enjeu économique majeur, la cession d’entreprise a des implications pour les créanciers, et présente un risque surtout quand il y a cession de fonds de commerce, du fait du très court délai d’opposition.