Recouvrement et titre restaurant

Les escroqueries aux titres restaurant

  • Cas pratiques
  • Pierre Gonzva

Quand on a obtenu un jugement exécutoire contre un restaurant, il est habituel de tenter une saisie auprès de la CRT, centrale de règlement des titres restaurant. La CRT est l’organisme qui centralise tous les titres restaurants, et les rembourse aux restaurants et autres commerces qui les ont reçus. Mais bien souvent, la CRT n’a pas de fonds revenant au restaurant saisi, ce qui fait que la saisie attribution entre ses mains est infructueuse. Quelles sont les escroqueries mises en oeuvre pour cela ?

 

1. Titres restaurant et CRT

Tout le monde connait les titres restaurant. Financés en général à moitié par le salarié et à moitié par l’entreprise, ils représentent un complément de rémunération exonéré de charges sociales, d’où leur intérêt. Ils sont utilisés pour payer son déjeuner dans un restaurant en dehors de l’entreprise. Normalement, ils ne peuvent pas être utilisés le soir ou le week-end, mais les restaurants sont souvent peu regardants sur ce point. Depuis quelques années, ils sont également utilisables pour payer des courses alimentaires en magasin, avec certaines restrictions.

Les quatre principaux émetteurs de titres restaurant ont créé une association, la CRT, Centrale de Règlement des Titres-restaurant, qui gère en un règlement unique les remboursements des titres aux restaurants, et leur évite ainsi d’adresser des demandes à chaque émetteur. 180.000 établissements s’adressent à la CRT pour le paiement de leurs titres, pour un volume annuel de 743 millions de titres, d’une valeur de 5,7 milliards €.

 

2. Les escroqueries aux titres restaurant

La principale escroquerie utilisée consiste, pour un restaurant, à ne pas faire passer les titres reçus dans le circuit officiel de la CRT, mais à les revendre contre du cash sur le marché noir des titres restaurant. Le titre restaurant est en fait un quasi instrument monétaire, normalement compensé contre un montant en euros à sa valeur faciale dans le circuit officiel de la CRT. Mais il peut aussi être revendu au marché noir, avec une décote, contre des espèces. Nous ne donnerons pas d’indication sur le niveau de la décote… De plus, si le restaurant a fraudé et n’a pas enregistré de transaction sur sa caisse, cela lui permet de blanchir complètement son activité, tout en acceptant le paiement par titre restaurant.

A plus petite échelle, la deuxième escroquerie consiste  à garder les titres restaurant reçus pour son utilisation personnelle et celle de ces proches, toujours sans en demander le paiement à la CRT.

 

3. Les conséquences pour le créancier et les risques pour le restaurant

Pour le fournisseur du restaurant qui tente de se faire payer ses factures, la conséquences de ces escroqueries est tout simplement que la saisie auprès de la CRT est infructueuse. La CRT gère une équipe entière chargée de répondre aux saisies qui lui sont adressées par les huissiers munis de jugements exécutoires contre les restaurants.

Statistiquement, nous avons constaté que près de la moitié des saisies à la CRT sont infructueuses, preuve que le phénomène est loin d’être anodin.

Pour le restaurant, le risque fiscal est important, s’il y a une différence significative entre les recettes enregistrées et le cash. Dans la réalité, les établissements qui se livrent à ce genre de pratiques sont plutôt contrôlés par l’inspection du travail et l’URSSAF, pour des questions de réglementation du travail, de respect des normes de sécurité et d’hygiène, que par le fisc. Et ils ont tendance à avoir une durée de vie courte : fermetures et faillites sont fréquentes.