Comment faire payer le dirigeant d’une société en liquidation ?

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  • Alexandre Dormane

Comment faire payer le dirigeant d’une société en liquidation ? C’est une tentation forte, surtout quand le dirigeant rouvre une autre société, avec une activité similaire, après avoir laissé une ardoise à ses fournisseurs. Dans la pratique, les conditions pour mettre le passif de la société à la charge des dirigeants ou administrateurs sont difficiles à réunir.

1. La condition de la faute de gestion

Selon l’article L651-2 du Code de Commerce, il faut prouver une faute de gestion du dirigeant pour qu’il soit condamné à prendre en charge l’insuffisance d’actif. La simple négligence ne suffit pas. De plus, il doit y avoir une relation de causalité entre la faute de gestion et la mise en liquidation judiciaire de la société. C’est au liquidateur de la société qu’il revient d’engager l’action en responsabilité des dirigeants de droit ou de fait; le ministère public peut également le faire. Le Tribunal peut aussi être saisi par la majorité des créanciers, nommés contrôleurs.

2. Qu’est-ce qu’une faute de gestion ?

Il existe une abondante jurisprudence pour caractériser la faute de gestion, justifiant une action en comblement de passif. Citons le cas d’un dirigeant présent dans son entreprise un seul jour par semaine, et qui délègue ses pouvoirs à des collaborateurs dont il sait qu’ils sont incompétents. De même, ne pas apporter les fonds propres nécessaires pour assurer l’exploitation dans des conditions normales, et ne pas y remédier, est une faute de gestion, tout comme distribuer un dividende important alors que la société vient de perdre un important client, ce qui va entrainer des pertes, et qu’il existe des dettes sociales et fiscales importantes. Le rôle d’un administrateur comporte également un risque : accepter le poste pour rendre service au dirigeant sans se préoccuper de la bonne marche de l’entreprise a été jugé comme constitutif d’une faute de gestion.
Par contre, les conséquences de la mauvaise conjoncture économique n’entrainent pas une faute de gestion, par exemple si des clients importants font défaut. Ont également été exonérés des administrateurs ayant des liens familiaux étroits avec le dirigeant unique, et qui n’ont pas disposé des informations nécessaires.

3. Comment faire ?

Dans la pratique, les possibilités d’action sont assez complexes à mettre en oeuvre. Le liquidateur va s’assurer que les montants en jeu soient suffisants pour justifier l’action. Il va donc examiner la situation des dirigeants et administrateurs incriminés, pour évaluer si l’action en comblement de passif permettra réellement de saisir des actifs. Gardons à l’esprit que la procédure va être longue, car les dirigeants poursuivis vont se défendre, et l’affaire pourra remonter jusqu’à la Cour de Cassation. Dans d’autres cas, ce sont des créanciers, notamment bancaires, qui déclenchent l’action, sachant qu’ils ont souvent par ailleurs des garanties personnelles des dirigeants de la société en liquidation.
Dans les années 1990, la faillite de la Banque Pallas – Stern, constituée avec un tour de table prestigieux, avait été un scandale retentissant. La mise en examen des principaux dirigeants, qui se vantaient d’avoir le plus beau conseil d’administration de la place, avait signé la fin d’une époque, caractérisée par le capitalisme de connivence. Une transaction avec les actionnaires de la banque avait abouti à une indemnisation partielle des créanciers obligataires.